Quel avenir géopolitique pour l’Arménie ?
Plus d’un an après la reddition du Haut Karabagh, l’Arménie se donne un objectif : permettre l’ouverture d’une route entre l’Inde et l’Europe.
Depuis l’indépendance, Erevan a regardé vers l’ouest et le nord. D’abord, elle a soutenu les séparatistes du Haut Karabagh, occupant une partie importante du territoire Azerbaïdjanais.
Dans le même temps, elle est resté très proche de Moscou, qui dispose de bases militaires.
Mais après la révolution de velours de 2018 et l’arrivée de Nikol Pashinian au pouvoir, Moscou a voulu punir le peuple pour le rejet qu’il a prononcé du modèle Russe.
Au Haut Karabagh en 2020, Moscou n’a pas aidé l’Arménie et en a profité pour se jouer médiateur entre les deux.
L’Arménie est un Etat minuscule du Caucase, entourrée par 4 grands voisins.
A l’est, la Turquie, avec qui la frontière n’a été rouverte partiellement que récemment.
A l’ouest, l’Azerbaïdjan, puissance économique montante grâce à ses ressources naturelles et proche de la Turquie.
Au sud, l’Iran, qui possède d’importantes populations Arméniennes et Azerbaïdjanaises (principalement des Azéris chiites d’Iran).
Et au nord, la Géorgie (puis la Russie, l’autre géant qui se trouve une frontière plus loin) mais qui garde des leviers d’actions dans la région.
Dès 2020, Erevan s’est trouvée 3 nouveaux alliés, qui se sont encore plus rapprochés du pays à partir de 2023 (après le retour de la souveraineté totale de l’Azerbaïdjan au regard du droit international).
Nous parlons de la France, de l’Inde et de l’Iran.
Pourquoi la France soutien l’Arménie ?
C’est historique d’abord, la longue alliance entre les Français et Arméniens.
Culturel (pays chrétien, diaspora importante en France).
Et politique, la France étant un soutien de taille pour l’Arménie au sein de l’UE.
Pourquoi l’Inde soutiendrait elle l’Arménie ?
New Delhi aura bientôt besoin d’exporter ses produits manufacturés vers l’Europe. Il faut donc une route commerciale sûre, à l’instar des routes chinoises de la soie qui passent par l’Asie Centrale et la Russie.
Un premier trajet envisagé était la route Bombay-Emirats-Arabie Saoudite-Jordanie-Israël-Europe du Sud.
Mais ce tracé est assez risqué. Delhi cherche à tous prix à éviter la Turquie, alliée du Pakistan, son ennemi historique.
Le Pakistan est un allié important de l’Azerbaïdjan, New Delhi soutien donc l’Arménie contre le Pakistan.
Ensuite, dans le cadre de ses routes commerciales, l’Inde espère pouvoir créer un axe Iran-Arménie-Géorgie vers l’Europe.
Cela éviterai les troubles Moyen-Orientaux, la Turquie et permettrait de faire de l’Arménie une clé de voute, évitant ainsi une arrivée plus massive des Turcs vers l’Asie Centrale.
A Delhi, une route Mumbai – Bandar-Abbas – Batumi – Europe est envisagée.
L’Inde s’est donc rapproché de l’Arménie, lui fournissant une grande quantité d’armes dernièrement.
J’avais écrit là dessus il y a quelques temps :
Enfin, avec l’Iran, l’Arménie peut compter sur un allié proche pour contrer les ambitions Turco-Azéries du corridor de Zanguezur, qui relierait les deux pays en traversant la région du Syunik au sud du pays.
Un projet de construction de route depuis l’Iran est à l’étude.
L’Arménie peut choisir de contrer son déclin progressif qui l’amènera à l’extinction : faible démocratie, fuite des jeunes vers l’Europe, pertes de territoires frontaliers face à l’Azerbaïdjan, crise politique, impuissance de son armée…
Quand on regarde une carte, il serait plus pratique d’emprunter une route Iran (ou un autre pays d’Asie Centrale via la mer Caspienne), Azerbaïdjan, Géorgie.
Mais alors pourquoi vouloir passer par les montagnes Arméniennes ?
C’est tout simplement politique.
Face aux axes Turciques et Russes, l’Arménie pourrait atteindre un désenclavement en devenant la clé des routes nord-sud, voire même est-ouest si elle autorise à l’avenir la route de Zanguezur demandée par l’Azerbaïdjan et la Turquie.
L’Arménie est désormais au centre du jeu. La première étape est en cours. Pashinian et Alyiev se rencontrent régulièrement pour se mettre d’accord sur un tracé exacte de la frontière.
Les premiers échanges de territoires ont commencés.
(Rappelons que Bakou occupe toujours plusieurs dizaines de km2 de l’Arménie (quelques positions avancées)
En plus des négociations, il faut aussi construire des routes. Voici le projet d’amélioration de la route nord-sud.
L’Arménie a aussi du reconstruire le pont de Voskepar après avoir retrocédé le territoire qu’elle occupait à l’Azerbaïdjan.
C’est passé inaperçu, mais l’Arménie tente de se rapprocher de la Géorgie avec les félicitations envoyées assez rapidement au nouveau gouvernement lors des dernières élections.
N’oublions pas que l’Arménie a besoin de la Géorgie par laquelle transitent les armes françaises et de l’Iran par laquelle transitent les armes Indiennes.
En outre, Erevan se rapproche de plusieurs pays du golfe, Arabie Saoudite en tête.
L’avenir de l’Arménie pourrait donc être de se servir de sa position stratégique au milieu du Caucase, ressources naturelles, routes commerciales, beaucoup passe par la zone.
Evidemment, tout dépendra de la réaction du peuple Arménien, qui s’était déjà soulevé lors du mouvement pour le Tavush, cette région qui devait rétrocéder des territoires occupés de l’Azerbaïdjan.
L’Arménie est probablement à un tournant. Son adhésion éventuelle à l’UE et l’OTAN semble bien compromise avec le gouvernement pro-Russe en Géorgie.
Mais comme exemple de diplomatie multilatéraliste, Erevan est en tête :
-> Inde
-> France/UE
-> Iran
-> Russie
-> Turquie ?
Merci d’avoir suivi ce thread. Si le sujet vous plait vraiment, je pourrais creuser un peu plus.
Clément Molin