Depuis le lundi 16 septembre, les bureaux de votes en Pennsylvanie, et dans une multitude d’autres États, ont ouvert leurs portes pour permettre de voter de manière anticipé. Les bulletins ne seront dépouillés que le 5 novembre 2024, jour officiel de l’élection présidentielle. Le vote anticipé est une formule qui avait déjà connu un grand succès. Lors de l’élection présidentielle de 2016, dont Donald Trump est sorti vainqueur, 72,3% des votants avait déjà transmis leur bulletin avant la date de l’élection. De même qu’en 2020 où le contexte de la crise sanitaire du Covid 19 a permis de promouvoir cette manière de voter.
La course à la présidentielle s’accélère, on revient sur les modalités et l’actualité de cette élection extraordinaire avec Atum Mundi.
Le modèle de scrutin aux États-Unis.
Pour commencer, il parait nécessaire de rappeler le fonctionnement du système électoral des États-Unis. Le modèle de scrutin est bien différent du modèle français. Les citoyens votent par État pour élire des grands-électeurs, qui doivent à leur tour élire le prochain Président.
Officiellement, c’est le premier mardi de novembre, tous les quatre ans que les américains votent lors de l’élection générale. Cependant, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, une grande partie des électeurs ont déjà voté plus tôt dans l’année par le biais des élections anticipés. La majorité des États appliquent la règle du « winner-takes-all ». Le candidat ayant obtenu le plus de voix dans l’État remporte tous ses grands électeurs. Exemple, si Donald Trump rassemble 50,50% des voix du Texas, il remporte les 40 grands électeurs de l’État. Il y a 538 grands électeurs dans la totalité des États. Pour gagner, le candidat doit rassembler la majorité absolue, soit 270 minimum. Chaque État détient un nombre de grands électeurs qui correspond au nombre de siège au Congrès. Le congrès est composé de 100 sénateurs + 435 représentants auquel il faut ajouter 3 grands-électeurs pour le District de Columbia (Washington District of Columbia n’a pas de représentant au Congrès puisqu’il s’agit de la capitale fédérale du pays). Après le vote des grands électeurs, leurs bulletins sont envoyés au Congrès, qui se réunit en janvier pour déclarer le vainqueur.
En 2020, Joe Biden avait rassemblé 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump. En 2016, Donald Trump était devenu le 45e président des États-Unis grâce à 304 grands électeurs, contre 227 pour Hillary Clinton.
Les candidats, leur colistier et leur programme.
Les élections présidentielles rassemblent cette année 5 candidats au poste de 47ème Président des États-Unis. Pour le camp démocrate, après le désistement de l’actuel Président Joe Biden, le 21 juillet 2024, c’est sa Vice-Présidente Kamala Harris qui a repris le flambeau pour espérer devenir la première femme présidente de la première puissance mondiale. Kamala Harris est née en 1964 en Californie, après une carrière dans le milieu juridique, en devenant notamment Procureure générale de Californie en 2011. Son parcours au cœur de la loi est un atout important à la vue du profil d’un candidat républicain repris de justice. Par la suite, elle devient Sénatrice en 2017 puis elle est désignée colistière de Joe Biden en 2020. Pour sa course au titre suprême, elle ne manque pas de soutien puisque les couples Clinton et Obama sont derrière elle. Et alors que les sondages indiquent une franche victoire de Donald Trump face à Joe Biden, qui maintenait une image peu dynamique par rapport à son adversaire, Kamala Harris a réussi à donner un coup de boost à une campagne inédite. Pour l’accompagner, Kamala Harris a choisi Tim Walz, gouverneur du Minnesota. Homme politique de 60 ans, il incarne une figure paternaliste, non clivante, capable de rassembler au centre et à gauche.
Le projet politique de Kamala Harris s’inscrit dans la continuité de l’administration Biden, avec une politique étrangère multilatérale concentrée sur l’aide à l’Ukraine, à Israël, ainsi qu’une stratégie ferme dans la zone indopacifique en continuant à développer les alliances avec les pays de la Région pour lutter face au rival chinois. Sur le plan intérieur, Kamala Harris met en avant les enjeux liés au pouvoir d’achat, en promettant des aides, notamment pour la classe moyenne. Elle propose un crédit d’impôt à la naissance, une aide à la création d’entreprise, ainsi qu’une augmentation des impôts pour les ménages les plus aisés. Un programme bien différent de celui de son adversaire Donald Trump, qui a rapidement qualifié le projet de Harris de « communisme ». Sur d’autres points, Kamala Harris se montre ferme sur les questions migratoires et propose une politique environnementale relativement modérée. Par exemple, elle ne souhaite plus interdire le « fracking », une méthode d’extraction d’hydrocarbures, malgré les alertes des défenseurs de l’environnement.
Pour le camp républicain, c’est l’homme d’affaires, milliardaire, producteur de télévision et 45e Président des États-Unis, Donald Trump qui est de nouveau candidat. Il a choisi comme colistier le sénateur J.D. Vance, 40 ans, une figure clivante, ancien opposant de Trump, désormais qualifié de « clone de Trump ». Il rajeunit le candidat à la présidence mais ne permet pas d’ouvrir les portes à un électorat plus élargi. Ce choix de colistier s’explique ainsi essentiellement pour une question d’image. J.D. Vance s’oppose au droit à l’avortement, il considère que Joe Biden a joué un rôle dans la tentative d’assassinat de Donald Trump en juillet 2024. Également, il serait proche de l’école de pensée NRx, un mouvement antidémocratique, antiprogressiste, qui soutient un retour à la monarchie ou à un pouvoir ultra-centralisé. Outre son colistier, Donald Trump maintient un discours populiste. En matière de politique étrangère, il affirme qu’il pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures. Sur le plan intérieur, il promet de faire de l’Amérique, la capitale mondiale du bitcoin et de renvoyer les migrants qu’il accuse « d’empoisonner le sang du pays ». Sur la question environnementale, celui qui avait quitté les accords de Paris lorsqu’il était Président, promet de poursuivre l’exploitation massive d’hydrocarbures.
Méconnus du grand public, d’autres candidats se présentent également à l’élection présidentielle, comme Cornel West en tant qu’indépendant, Jill Stein pour le Parti vert, et Chase Oliver pour le parti libertarien. Pendant plusieurs mois, Robert Francis Kennedy Jr, fils de Robert Francis Kennedy, le frère de John Fitzgerald Kennedy, a été candidat à la primaire démocrate. Il a tenu un discours considéré comme complotiste et s’est retiré de la course après le désistement de Joe Biden, passant de 14 % des intentions de vote à 3-4 %. Il soutient désormais le candidat républicain.
Une élection violente marquée par des scandales
Affaire Springfield
Depuis Philadelphie, le 10 septembre 2024, la candidate démocrate et le candidat républicain se sont affrontés lors d’un débat d’1h30. Un débat haut en couleur où Kamala Harris est ressortie gagnante selon les observateurs. Donald Trump, dans ses retranchements, n’a pas transmis un discours novateur, il n’a pas convaincu. Depuis, Donald Trump refuse toutes les demandes de débat.
Également, le candidat républicain a abordé les enjeux migratoires de la ville de Springfield dans l’Ohio. Il déclare « À Springfield, ils mangent des chiens, ceux qui viennent d’arriver. Ils mangent les chats, les animaux de compagnie des habitants d’ici ». Une déclaration qui fait vivement réagir et qui a provoqué un scandale depuis quelques jours. Springfield est devenu l’épicentre de la haine pour une partie des américains. Cette ville de 58 000 habitants est en chute démographique et l’attractivité économique reprend doucement après un déclin progressif due à la désindustrialisation de la ville. La reprise de l’activité de la ville est directement permise par l’arrivée de migrants haïtiens qui travaillent et consomment. Cette communauté, visée par ces attaques, vit depuis dans un climat de peur. Une alerte à la bombe est survenue après ces déclarations dans le Walmart de la ville. Le gouverneur républicain de l’Ohio, un soutien de Donald Trump, Mike Dewine a même fait une tribune dans le New York Times pour dénoncer les fakes news propagées par le candidat Trump et par son colistier. Il se dit « attristé » de la situation et décrit un Springfield composé de « gens bons, honnêtes et accueillants » et les Haïtiens de « travailleurs acharnés ». D’autant plus que les migrants haïtiens sont sur le territoire américain légalement. Alors, pourquoi Donald Trump et J.D. Vance ont lancé cette stratégie de la haine ? Tout simplement parce que ça marche : Le populisme fonde la stratégie de MAGA (Mouvement trumpiste « Make America Great Again ») et Springfield est une ville parfaite pour illustrer l’idéologie du camp républicain. Une ville, éloignée de la frontière mexicaine, qui ne devrait pas subir l’immigration car elle est située dans les terres profondes américaines. Elle est cependant en plein déclin démographique et économique, et qui plus est, une communauté étrangère est présente sur le territoire. Il est donc simple d’accuser cette communauté. Cette stratégie relève ainsi d’un pur calcul politique.
La stratégie Nebraska du camp Trump : un petit État pour faire basculer l’élection.
Parmi les sujets ayant fait l’actualité politique américaine, l’État du Nebraska s’est retrouvé sur le devant de la scène. Le Nebraska est un petit État de 1,9 million d’habitants situé en plein milieu des États-Unis. Et l’élection américaine a failli basculer dans une situation où Donald Trump aurait pu devenir Président des États-Unis en outrepassant le vote populaire.
Le système des grands électeurs dans l’État du Nebraska fonctionne différemment que dans le reste du pays. Ici, pas de « Winner Takes All » où le candidat en tête remporte l’intégralité des grands électeurs. Les 5 grands électeurs du Nebraska sont répartis dans 5 congressionnal district, qu’il faut remporter un à un. Le Nebraska est un État très majoritairement républicain, si le système était le même que dans les autres États, les républicains gagneraient les 5 grands électeurs. Mais l’un des districts (Omaha), composé notamment de jeunes, est démocrate. Donc, il est tout à fait envisageable que les démocrates remportent 1 grand électeur dans le Nebraska, Kamala Harris étant à 9 points devant Trump selon les sondages dans ce district. Les républicains gagneraient quant à eux, les 4 autres grands électeurs. Cette spécificité électorale du Nebraska ne plait pas aux républicains, ils veulent modifier la loi pour que le système du « Winner Takes All » s’applique dans l’État avant l’élection présidentielle. Et c’est possible ! La loi peut être modifié par un vote du congrès du Nebraska. Si cette loi était amenée à être changée, il est tout à fait possible qu’à l’issue de l’élection présidentielle, Kamala Harris et Donald Trump se retrouve dans une situation d’égalité parfaite en nombre de grands électeurs. En cas d’égalité, la règle est simple : la chambre des représentants élit le nouveau Président des États-Unis par un vote où chaque État dispose d’un droit de vote. La majorité des États étant représenté par les Républicains, c’est donc Donald Trump qui pourrait devenir le prochain Président si la loi change. Après des jours intenses d’appels, de pressions entre les hauts responsables républicains notamment le candidat Trump et les « state sénateurs » en capacité de changer la loi, le Républicain Mike McDonnell a annoncé qu’il se prononcera contre ce changement. À une voix près, la situation électorale aurait pu basculer. Mais attention, Mike McDonnell a encore jusqu’à la veille de l’élection pour changer d’avis.
Pour finir, pourquoi Mike McDonnell a-t-il fait ce choix alors qu’il est membre du parti républicain ? D’abord parce qu’il est dans le parti depuis peu, uniquement depuis 2024 après avoir été censuré par le parti démocrate. Ensuite, il veut devenir maire d’Omaha, et a besoin du soutien des démocrates pour cette future élection. Enfin, car la spécificité électorale permet au Nebraska de se détacher de tous les autres États sans enjeux lors des élections présidentielles. Les États comme le Kansas sont oubliés pendant les élections, ils sont gagnés d’avance par les Républicains. Mais la spécificité du Nebraska permet de dynamiser l’État en faisant venir les candidats et en entrainant des campagnes massives de publicités qui génèrent des millions de dollars. Il y a ainsi un véritable enjeu économique derrière cette situation.
Tentatives d’assassinat
Cette campagne électorale pour la présidentielle s’inscrit dans la violence. Et, Donald Trump lui-même n’y échappe pas. Deux tentatives d’assassinats contre lui. 14 juillet 2024 : La première dont ressort cette célèbre photo. Touché à l’oreille par le tireur, abattu sur le champ par les services secrets. Un supporter de Trump décède, touché d’une balle en pleine tête. 15 septembre 2024 : à West Palm Beach en Floride, quelques coups de feu à proximité de l’ancien Président, alors en pleine partie de golf. Un arsenal est retrouvé à proximité. Ryan Wesley Routh, qui se dit indépendant politiquement est arrêté.
Autre scandale, l’affaire Mark Robinson. Le candidat républicain pour devenir gouverneur de Caroline du Nord, et proche de Donald Trump est rattrapé par des posts sur des sites pornographiques où il expose ses envies sexuelles, à l’opposé totale de son discours public. Il se revendique également comme un « nazi noir » et affirme vouloir rétablir l’esclavage. Ce personnage, figure montante du parti républicain avait déjà nié l’holocauste et fait la promotion de Mein Kampf. L’ensemble de l’équipe de campagne de Mark Robinson a déjà démissionnée.
Les nouvelles dynamiques
Harris-Walz, le duo gagnant ?
Depuis la candidature de Kamala Harris, l’avenir des démocrates a retrouvé de très belles couleurs. Avec des levées de fonds rapides, la campagne dans son rythme effréné est un succès, en contraste avec la perte de vitesse de la campagne de Donald Trump. Les stades sont plein à craquer, une multitude de célébrités soutiennent les démocrates, le débat gagné par Kamala Harris sont des facteurs essentiels d’une bonne campagne qui permet aux sondages d’être en hausse, au point de dépasser Donald Trump.
Le colistier de Kamala Harris est un personnage assez étonnant pendant cette campagne à la vice-présidence. Multipliant les discours et les meetings dans tout le pays, il parvient à s’équiper d’une image de paternaliste tout en étant une bulle d’énergie, prêt à en découdre.
Les swing states
Comme lors de chaque élection américaine, certains États vont attirer l’attention car ils vont déterminer le vainqueur du scrutin. Parmi ces États : Le Nevada, l’Arizona, Le Wisconsin, Le Michigan, La Géorgie, La Caroline du Nord et surtout la Pennsylvanie. On les appelle les swing states, car du fait des scores serrés entre le candidat républicain et la candidate démocrate, les grands électeurs de ces États ne sont jamais gagnés d’avance. La Pennsylvanie et ses 19 grands électeurs sont particulièrement au cœur des campagnes électorales. Ce sont les États à surveiller de près pour cette élection. Selon les sondages actuels, Donald Trump est en tête en Caroline du Nord, en Arizona et en Géorgie.
Cette élection présidentielle restera dans les annales de l’histoire américaine. Jamais un Président sortant n’avait renoncé à ce stade de la campagne, jamais le Parti démocrate n’avait choisi comme candidat une femme d’origine noire et asiatique, jamais les républicains ne s’étaient inscrits dans un tel discours hostile. De nouveaux rebondissements sont encore à attendre jusqu’au dernier jour du scrutin. Atum Mundi vous tient informé sur cette campagne politique mémorable.
Alexandre Hallard.
Bravo Alexandre, passionnant !
Excellente analyse qui permet de mieux comprendre le système électoral complexe des Etats-Unis. Bravo Alexandre !